Afrique : Minéraux stratégiques, le continent noir face au défi des traités miniers déséquilibrés.

Le continent africain se trouve à un carrefour stratégique dans la course mondiale aux minerais critiques. Alors que la demande internationale en cuivre, cobalt et lithium explose, de nombreux États africains peinent à transformer leur richesse souterraine en développement économique tangible. Un récent rapport de l’Institut international du développement durable (IISD) pointe du doigt un obstacle majeur : les accords bilatéraux d’investissement hérités des décennies précédentes.

Ces traités, négociés entre les années 1970 et 2000, accordent des protections étendues aux investisseurs étrangers tout en limitant la marge de manœuvre des États africains. Ils permettent notamment aux entreprises minières de contourner les juridictions locales et de contester devant des tribunaux internationaux toute réforme jugée défavorable à leurs intérêts. Le rapport révèle comment ces mécanismes ont été utilisés pour bloquer des politiques industrielles ambitieuses dans plusieurs pays.

La Tanzanie en a fait l’amère expérience. Après avoir réformé son code minier pour exiger davantage de transformation locale, le pays a dû verser 127 millions de dollars de compensation à des compagnies minières s’appuyant sur d’anciens accords. La République Démocratique du Congo se trouve dans une situation similaire, liée par six traités déséquilibrés avec des puissances étrangères qui entravent sa capacité à réguler le secteur.

Pourtant, des alternatives existent. Le Chili a montré la voie en excluant les minerais stratégiques de ses nouveaux accords d’investissement. L’Indonésie a purement et simplement résilié plusieurs traités pour imposer une politique plus favorable à son industrie locale du nickel. L’Afrique du Sud a, quant à elle, développé son propre cadre juridique pour remplacer les anciens accords.

Ces exemples inspirent aujourd’hui plusieurs nations africaines. La Zambie, la Côte d’Ivoire et la RDC ont entamé des révisions de leurs codes miniers, mais se heurtent souvent à la résistance des investisseurs protégés par ces traités obsolètes. Le défi est de taille : selon la Banque Africaine de Développement, l’Afrique ne capte actuellement qu’une infime partie de la valeur générée par ses minerais dans les chaînes de production mondiales.

L’IISD souligne que la simple renégociation des accords ne suffira pas. Elle doit s’inscrire dans une stratégie industrielle globale incluant le développement d’infrastructures de transformation, la formation de compétences locales et la création de partenariats commerciaux plus équitables. Alors que le marché des minéraux critiques pourrait atteindre 400 milliards de dollars d’ici 2050, l’Afrique se doit de repenser fondamentalement sa gouvernance minière pour ne pas rater ce tournant historique.

Amen K. 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *