Cameroun : L’agro-industrie, le nouveau socle de l’émergence économique

Ces dernières années, le Cameroun a résolument engagé une transformation de son secteur agricole, visant à passer d’une production vivrière et d’exportation brute à une véritable industrie de transformation à valeur ajoutée. Cette ambition, inscrite dans la Stratégie Nationale de Développement 2020-2030, se concrétise par des investissements publics ciblés et des politiques incitatives destinées à moderniser la chaîne de valeur agroalimentaire et à réduire la dépendance aux importations.

L’un des piliers de cette stratégie est la création et la réhabilitation de pôles agro-industriels. Le projet majeur reste le Pôle agro-industriel de la région du Sud (PAI-Sud), développé sur plus de 60 000 hectares. Conçu pour attirer des investisseurs privés, ce méga-projet vise la production et la transformation à grande échelle de cultures comme le maïs, le soja, la banane plantain et l’huile de palme. Il symbolise la volonté de créer des économies d’échelle et de générer des emplois industriels en zone rurale.

Parallèlement, l’État a accru son soutien à la transformation locale des matières premières agricoles. Des initiatives comme la construction et l’équipement de centres de transformation de manioc, de maïs ou de noix de cajou dans les bassins de production se multiplient. L’objectif est clair : capter une plus grande part de la valeur sur le territoire, lutter contre les pertes post-récoltes qui peuvent atteindre 30% pour certains produits et approvisionner le marché local avec des produits finis de qualité.

Le gouvernement a également mis en place un cadre fiscal et douanier incitatif. L’adoption de la Loi de finances 2023, qui exonère de TVA les intrants et équipements agricoles spécifiques, en est une illustration. Ces mesures visent à améliorer la compétitivité des unités de transformation camerounaises face aux importations et à attirer les capitaux privés, nationaux et étrangers.

Les défis à surmonter restent de taille : amélioration des routes de désenclavement des zones de production, accès à une énergie stable et abordable pour les unités industrielles, et professionnalisation accrue des producteurs pour garantir un approvisionnement régulier et standardisé. Cependant, les efforts engagés commencent à porter leurs fruits. On observe une croissance du nombre de petites et moyennes entreprises agroalimentaires et une diversification progressive de l’offre de produits « Made in Cameroon » sur les étals, des farines infantiles aux jus naturels en passant par les conserves.

En faisant le pari de l’agro-industrie, le Cameroun ne poursuit pas seulement un objectif économique de croissance et de création d’emplois. Il œuvre surtout à renforcer sa résilience et sa souveraineté alimentaire dans un contexte régional et international marqué par l’instabilité des prix et des chaînes d’approvisionnement. Cette politique, si elle est soutenue dans la durée, pourrait profondément remodeler le paysage économique et rural du pays.

Amen K.

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